Je suis à Bakou, mais j’ai décidé de « rentrer »… Oui, je rentre…
J’en ai marre, même plus que ça, je suis dégouté… Dégouté par le fait que mon corps ne veuille pas suivre la volonté que je porte en moi depuis des mois… J’ai cette douleur sous l’omoplate qui ne me lâche pas et qui s’étend sur toute la zone droite de mon dos, saloperie… Tous les jours elle est là et je me la trimballe malgré tout car j’ai envie d’avancer, j’ai envie d’atteindre mes objectifs, celui du voyage en moto vers l’Est… Mais je dois me résigner pour ne pas devoir regretter… C’est bien beau mais au fond la décision de rentrer n’a pas du tout été facile à prendre, loin de là, car des regrets j’en aurais de toute manière eu, peu importe quelle direction j’allais choisir…
C’était une belle journée ensoleillée, une magnifique journée pour aller faire une virée dans le Caucase qui m’a finalement fait réaliser que je ne pourrai pas affronter le désert étouffant d’Asie centrale… Pourtant il me nargue en me pointant son nez de l’autre côté de la mer Caspienne alors que j’écris ces lignes… Non, je ne peux pas mais surtout je ne veux plus, je m’en suis finalement convaincu… Car au fond, le faire à moitié, en pensant à cette douleur et aux risques que j’encours de me retrouver à des kilomètres d’une aide quelconque bloqué sous une chaleur accablante, c’est un plaisir inachevé, un rêve amputé… Pas de cette manière, non je ne veux pas… Une décision qui aura vu des larmes coulées le long de mes joues, de grosses larmes, ça faisait longtemps que je n’avais pas autant pleuré, je l’avoue et ça ne me dérange pas de le faire… Je revois encore ces visages dans cette petite ruelle perdue de Géorgie qui me regardent inquiets en se demandant pourquoi je suis seul à pleurer comme ça face à mon téléphone à la recherche d’une « épaule » sur laquelle essuyer mes larmes… Mes proches en sont témoins, eux qui ont dû subir à des milliers de kilomètres de distances le désespoir de ma voix tremblante…
Au fond, j’ai peut-être enfin pris conscience d’une réalité que j’ai voulu étouffer pour ne pas devoir la prendre en considération… Car en le faisant, je ne serai tout simplement pas parti… Oui, j’ai enfourché ma moto un matin gris de Mai alors que j’avais cette douleur, oui je suis un peu con et énormément buté, voir même inconscient, mais ça m’arrive souvent quand je suis à moto… Aujourd’hui j’écoute et intègre pleinement les avis, voire les injonctions de mes plus proches amis et de ma famille… Penser à sa propre santé, il n’y a rien de plus important, c’est vrai, ma santé physique passe avant tout, mais ma santé morale ? Cette dernière en a pris un sacré coup depuis quelques jours, j’ai été au fond du trou, seul, à ne pas savoir quoi faire car aucune porte ne me menait à une décision dépourvue de remords… Je me suis même demandé si je n’allais pas avancer en sac à dos mais sans prendre d’avions pour continuer à tracer mon chemin sur terre… Mais je me connais, traverser des régions assis derrière une vitre à regretter de ne pas être sur ces pistes posé sur ma bécane ça ne va pas être possible, non ça je ne peux pas… Ce voyage je l’ai pensé en tant que motard, pas autrement… Donc je vais rentrer et laisser mon imaginaire encore inhabité par ces régions… C’est pas grave, je reviendrai, ça j’en suis plus que certain…